Butembo : Les sauterelles chassent la peur

Une vendeuse des sauterelles @ Photo Umbo Salama

Si des familles de Butembo (à environs 300 Km au Nord de Goma, en province du Nord-Kivu, à l’Est de la RDC), dormaient tôt suite à l’insécurité, aujourd’hui ce n’est plus le cas. La crainte des éventuelles incursions des assaillants ne se lit plus sur le visage de la population quand elle ramasse des sauterelles toute la nuit.

Il est minuit en cellules Vubange et base, en commune de Kimemi, la nuit de jeudi à ce vendredi 21 novembre 2014. Dans plusieurs parcelles sont disposées obliquement des tôles encore neuves. Ces tôles reflètent, à leur tour, la lumière des projecteurs des lampes électriques. « Ces tôles et lampes attirent des sauterelles et nous les ramassons sans difficulté », explique Kambale Kamwira, un enfant de 12 ans qui s’active à remplir son sac en sauterelles.

La scène est la même dans différents quartiers de la ville de Butembo chaque nuit de ce mois de novembre (connu comme mois des sauterelles dans la culture de la ville). Depuis trois jours, des habitants, jeunes et vieux, hommes et femmes, se réveillent à zéro heure ou à 4 heures. Objectif, ramasser des sauterelles. « Avant de dormir j’active l’alarme de mon téléphone pour qu’elle me rappel à minuit. Je ne peux pas rater,…. », se réjouit un haut cadre de l’administration publique, se bousculant avec des enfants de son quartier dans une brousse pour attraper des criquets migrateurs.

Oublier le « carnage » de Beni et les tractes

Vers la fin d’octobre et au début de novembre 2014, seuls des jeunes réunis au sein des groupes de pression passer la nuit à l’extérieur « pour sécuriser leurs quartiers respectifs », selon leurs dires. Ces jeunes qui étaient armés des stiques des bois pointus, lances, machettes, haches,… allumaient du feu dans des carrefours et organisaient des patrouilles civiles. Ces patrouilleurs civils qui étaient réactivés suite aux massacres et carnages des populations dans plusieurs villages du territoire de Beni ainsi que dans la ville portant le même nom, disaient se prévenir contre une éventuelle attaque des ADF contre la ville de Butembo. En cette période, plusieurs familles dormaient avant 19 heures et les rues de la ville restaient désertes après 18 heures.

Aujourd’hui, personne ne tient plus compte de ce contexte. Des familles sont à l’extérieur toute la nuit jusqu’au petit matin. Des gens vont jusqu’à chercher des sauterelles tard la nuit dans des bannerais, ou dans des brousses non éclairées, ne se souciant plus de leur sécurité. « Nous sommes sûr qu’il n’y a rien qui va se produire quand c’est toute une ville qui est à l’extérieur à la recherche de ces insectes », lance Kahambu Siluhwere, une dame habitant le quartier Mutiri en commune de Bulengera. Même son de cloche pour ce notable. « Dans la culture yira (peuple majoritaire à plus de 90% en ville de Butembo, NDLR), on aime consommer les sauterelles. Alors je vois pas cette insécurité les empêcher de les ramasser », analyse Mustari Vangi Sivavi, responsable du musée national.

Une reconversion commerciale

Pire encore, sont des élèves et écoliers qui ne se rendent plus dans leurs écoles respectives. Ceux-ci quittent sagement leurs maisons, cartables au dos, mais en cors de route ils sont emportés par des ramasseurs des sauterelles et leurs emboîtent le pas. Les enseignants s’inquiètent déjà. « Aujourd’hui je n’ai reçu dans ma salle que 6 élèves sur 42. C’est dommage », regrette un enseignant.

Des anciennes vendeuses qui proposaient des arachides, citrons, gingembres, noix de cola et autres produits se sont reconverties en vendeuses de sauterelles. A l’entrée des galeries commerciales, des marchés des sauterelles se sont déjà crées. Si certaines proposent des sauterelles fraîches, d’autres s’activent à les griller. « C’est succulent ».

Des vendeuses des sauterelles au marché central de Butembo @ Photo Umbo Salama

Une vendeuse des sauterelles @ Photo Umbo Salama